Centralisation contre fédéralisme ?

Les formes de l’étatisation et ses conséquences démocratiques

Introduction

À l’issue des guerres de Religion du XVIe siècle, en France, la religion est passée toute entière dans l’orbite intérieure de l’État, et même de plus en plus dans l’ordre des choses privées, mutation lente mais inexorable. Ce phénomène a réveillé de gigantesques potentialités de transformation de la société. Il explique beaucoup des caractéristiques de notre histoire plus contemporaine. Mais, selon les sociétés européennes dans lesquelles il s’est produit, il a conduit l’étatisation à prendre des directions fort différentes.

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Sur le plan institutionnel, la Révolution puis l’Empire ont accéléré la centralisation étatique, avec, notamment, la création des départements en 1790, celle des préfets en 1800, du Code civil, du Conseil d’État et des corps d’inspection. Toutes ces innovations généralisent et approfondissent des dynamiques déjà lancées depuis plusieurs siècles par l’État monarchique.  Mais sous la IIIe République l’on voit se dérouler une nouvelle étape fondamentale de la centralisation institutionnelle étatique. Au cours des siècles passés, l’État, outre la justice, l’ordre public, l’armée et la fiscalité publique, avait déjà largement étendu ses domaines d’attribution. À la suite de Richelieu, de Colbert, du mercantilisme en général, les missions d’impulsion, de coordination et de protection de la vie économique nationale se développent. La mise en place d’un très dense réseau de chemins de fer est une des grandes affaires du XIXe siècle. L’innovation principale, mais cardinale, de la fin du XIXe siècle, sous Jules Ferry, c’est évidemment celle de l’instruction élémentaire laïque et obligatoire, assurée par tout un corps d’instituteurs nouveaux, formés dans les écoles normales modernisées par la loi du 9 août 1879. Ce domaine d’une importance évidemment fondamentale, désormais essentiellement public, était jusqu’alors très jalousement gardé par l’Église, même si bien des accrocs avaient déjà entamé son monopole de fait[1]. De manière plus générale, l’époque voit un développement inédit de la Fonction publique, dédiée aux services publics. Cette administration d’État est basée sur un modèle radicalement étranger au « marché du travail », recrutant sur concours sur la base du mérite et de l’anonymat, et débouchant sur une carrière spécifique. Ces carrières se consacrent au service de l’État, de son efficacité et de sa continuité, à l’administration de la chose publique, visant « l’intérêt général » de la communauté politique nationale. Cet ensemble forme un esprit de corps spécifique. S’ajoute à cela le développement des archives publiques, des musées, des conservatoires de musique, des harmonies, et des bibliothèques publiques. C’est aussi le début de la législation sociale et du droit du travail. Politique économique et sociale, instruction publique, Fonction publique, aménagement du territoire… Cette phase de la centralisation institutionnelle étatique est spectaculaire dans son accélération.

On peut dire que l’État tel que nous le connaissons a fini de naître entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, venant couronner un processus très complexe débuté près d’un millénaire plus tôt. En France, ce processus, que l’on retrouve avec d’autres accents dans d’autres pays occidentaux, est particulièrement crucial, puisque c’est lui qui a fait l’unité du peuple français, par ailleurs d’une rare diversité à l’échelle européenne[2].

La centralisation n’implique pas l’autocratie

On connaît les querelles traditionnelles entre centralisation « jacobine » et décentralisation girondine, sans cesse rejouées[3]. La centralisation, qu’on la juge bonne ou mauvaise, ne doit pas être confondue avec l’autocratie ou la dictature bureaucratique. La centralisation institutionnelle est une construction patiente, relativement inerte, centrée sur le droit public et administratif, œuvre de très longue haleine. Cette construction s’adapta sous des formes à peine changées à tous les régimes successifs. Étant basée sur le droit public et administratif, elle est de ce fait trop inerte et pénétrée de sa continuité pour être réellement fiable quand un pouvoir dictatorial veut la réduire à n’être qu’un simple relais du pouvoir, et dépendante elle-même d’un assentiment minimum de la population pour être le moindrement efficace. Le processus dégage donc sa propre logique et dispose d’une autonomie relative. Il est à distinguer de l’autocratie[4] et il est incompatible avec les régimes totalitaires. Nous en avons eu la démonstration par les régimes qui, au cours du XXe siècle, se sont systématiquement appuyés sur d’autres piliers que l’appareil d’État[5]. Car ce dernier n’est jamais assez souple, assez rapide, assez endoctriné et surtout assez fiable pour exercer la violence et la contrainte qu’exige un pouvoir totalitaire. Celui-ci repose essentiellement sur des corps non étatiques, directement à sa botte, se dégageant de toute contrainte juridique et de toute pesanteur administrative, tel que le « parti unique », qui a la double ambition de s’identifier directement à la société (et non à l’État), postulée comme homogène, et de remplacer ou à tout le moins doubler l’appareil d’État.

La décentralisation n’implique pas la démocratie

Quant à la décentralisation, elle est souvent présentée comme une démocratisation de la puissance publique. Il faudrait pourtant, pour ne pas se contenter d’assener une affirmation arbitraire et gratuite, produire deux démonstrations. D’une part il faudrait montrer que les notables locaux, publics et privés, sont plus facilement contrôlables par le peuple au sein d’une organisation locale tendant à l’autonomie, par la seule vertu de la « proximité ». Et d’autre part il faudrait produire les raisons qui font qu’une entité locale autonome, toujours par la grâce de cette même proximité, est en soi favorable au progrès social. Rappelons en effet que pour nous, démocratiser une institution, c’est mettre le peuple en situation de la dominer politiquement, et renforcer par cette institution ceux qui sont plus faibles socialement. On a dû certainement mal juger l’ordre féodal, remarquablement décentralisé pourtant, ou le mille-feuille de l’Empire germanique médiéval et moderne, décentralisé lui aussi à l’extrême. S’agissait-il de « paradis démocratiques » à même de nous rendre toutes et tous nostalgiques d’un retour à la miraculeuse proximité des pouvoirs ? La question de la démocratie, où un peuple domine ses institutions, et où ces dernières assurent continûment le progrès social, n’est pas celle de l’échelle ou de la « proximité » du pouvoir. Cette question est celle de son contrôle institutionnel et politique par les citoyens, ce qui est une toute autre histoire. Pour faire jouer à plein tous ses effets, un processus démocratique doit pouvoir prendre place dans une société autonome et indépendante, en maîtrise de toutes ses institutions publiques et en charge de leur direction et coordination dans tous ses aspects principaux, notamment économiques, et ce sans que ses classes dominantes puissent faire jouer l’extérieur contre l’intérieur lorsque les rapports de force internes leur sont défavorables.

En réalité, les institutions locales traditionnelles, tendanciellement intangibles et oligarchiques, sont vouées soit à l’immobilisme, soit à l’absorption par des forces plus vastes. Soit rien ne vient bousculer les forces dominantes d’une communauté locale relativement indépendante qui ont conduit les institutions à prendre la forme qu’elles ont prises, les clivages sociaux n’étant pas en mesure de contester cette forme. Soit au contraire ils le sont, mais l’on s’aperçoit alors qu’au lieu de déboucher sur une démocratisation de ces communautés réduites, la contestation compromet rapidement l’indépendance locale. Les désordres locaux internes jouent toujours à la faveur des pouvoirs plus puissants, externes à une petite communauté politique locale. Toute l’histoire des seigneuries banales, et des communes urbaines médiévales, en France, en Italie, et dans les pays germaniques est là pour le prouver, ou à une échelle plus vaste les principautés, ou encore les provinces françaises dans les pays d’États[6]. Ce fut d’ailleurs le sort des petites cités grecques démocratiques dans l’Antiquité. Et si les petites républiques suisses ont réussi à perdurer, et mis à part l’avantage que constituaient une situation alpine exceptionnelle et une remarquable efficacité militaire, c’est aussi parce qu’aucune contestation sociale n’a jamais pu véritablement remettre en cause la stabilité oligarchique suisse. Les Suisses ont depuis toujours parfaitement conscience de ce que leur indépendance et la survie de leur particularité dépendent de leur stabilité sociale et politique, ce qui renforce leur côté très conservateur. Cet exemple illustre également notre propos. Si elle fut bien un laboratoire célèbre de démocratie politique[7], la Suisse ne dispose en réalité que de son versant institutionnel, celui qui met le peuple au sommet des institutions et le fait directement participer aux délibérations et décisions. Ce n’est certes pas rien (et de loin s’en faut), mais en l’absence du versant social, celui qui vise par les institutions à diminuer significativement et structurellement les inégalités sociales, il n’y a pas réellement de démocratie. Or, la construction de ce versant fragiliserait forcément la stabilité sociale et politique de la Suisse qui reste une fédération complexe, menaçant ainsi son existence, puisqu’elle traduirait les inégalités en conflits politiques. 

Le fédéralisme n’est pas synonyme de démocratie

S’il s’agit de comparer le degré de démocratie d’une entité politique avec une autre, encore faut-il s’entendre d’abord sur le sens du mot « démocratie ». La tradition libérale se contente, voyant midi à sa porte, de définir la démocratie par la protection des droits individuels, la « séparation des pouvoirs » et l’existence d’un parlement composé de représentants élus disposant du monopole du vote de la loi[8]. Cette définition implique certes le libéralisme politique et la primauté du droit pour régler les institutions, mais elle ne peut rien dire de l’avancement démocratique de tel ou tel pays. Il faut pour cela, d’une part s’assurer que l’agencement institutionnel mette bien, dans les principes et dans les faits, la communauté des citoyens au sommet des institutions, et d’autre part que les classes dominées de cette communauté politique soient structurellement renforcées par les institutions publiques.

Mais la question de la nature politique de l’État fédéral en sous-tend une autre, préjudicielle. L’État fédéral est-il une forme propice à la politique dans son sens plein ? Si ces États ont pris une forme fédérale, c’est parce qu’ils devaient répondre à une double contrainte. La concurrence des États capitalistes modernes[9] déjà constitués poussait toute une série de petits pays à se regrouper sous une forme étatique, impliquant fatalement un certain degré de centralisation institutionnelle, économique administrative et politique. Mais les éléments fédérés, habitués à leur singularité et leur indépendance, restaient toujours plus ou moins réticents à se fondre dans un plus vaste ensemble étatique unifié. Ce point incontournable obligeait cette dynamique contradictoire par construction à délimiter strictement les domaines centralisés de ceux qui restaient décentralisés. Cette situation initiale reste toujours une source structurelle de tensions. Or, cette tension, inhérente à toute fédération, atrophie le politique. On vient de l’évoquer au sujet de la Suisse. Les questions essentielles, sociales et politiques, et les fortes luttes et divisions qui correspondent, doivent rester impérativement minorées. Car une telle situation institutionnelle et politique centrifuge et fragile, en tension permanente, interdit objectivement à ces jeunes États qui n’ont pu exister qu’au prix du compromis fédéral, de se permettre ce luxe risqué. Les États-Unis, en tant que jeune État fédéral, ont bien failli exploser rapidement du fait de la division Nord-Sud autour de la question stratégique de l’esclavage, mais aussi du modèle économique national privilégié qui correspondait à chaque terme de l’alternative. Ce n’est qu’au prix d’une terrible guerre civile[10] que la question fut réglée, avec à la clé une très forte augmentation de la place de l’État fédéral et de la centralisation institutionnelle. L’Allemagne fédérale, au sortir de la guerre, a délibérément mis la politique économique et monétaire sous une coupelle de verre, la voulant intouchable par le pouvoir politique, pilotées par des règles fixes, en dehors de tout processus démocratique. C’est l’ordo-libéralisme. Même si la réalité s’avère plus complexe dans les faits, il n’en reste pas moins que les questions les plus clivantes, les questions politiques principales, mettent à rude épreuve un État qui a dû prendre une forme fédérale pour pouvoir exister en tant qu’État, toujours surveillé et soupçonné par les « États[11] » membres de rogner ce qui leur reste d’autonomie.

Mais ceci est encore plus vrai pour chaque « État » de la fédération. Puisque l’un des enjeux principaux de la fédération est précisément le maintien d’une relative autonomie des parties fédérées, il est dangereux que se développe trop au sein de l’un des États des divisions internes, sociales, religieuses ou politiques. Elles entraîneraient une fragilisation par rapport au pouvoir central, une perte d’autant de capacité à maintenir voire augmenter son degré d’autonomie. C’est tout aussi vrai, d’ailleurs, des régions à velléité indépendantiste des États centralisés. Ceux qui veulent à tout prix l’indépendance, doivent faire taire les divisions sociales internes, l’indépendance devant passer en premier. Pour cela, les questions ou les illusions identitaires, de la conservation de leur « identité » culturelle, et du maintien de leur autogestion administrative, sont bien plus unitaires pour les entités fédérées.

On le voit également avec le refoulement des questions constitutionnelles aux États-Unis. L’agencement des institutions, la question du régime politique, et la question de la souveraineté constituante du peuple, sont pourtant au centre des enjeux politiques primordiaux. On fait souvent le reproche à la France de sa chronique instabilité constitutionnelle. Nous en sommes, après une longue liste de constitutions (pas toujours appliquées), à notre Ve République. Mais cette relative instabilité est aussi le signe de notre sens inentamé du changement politique constitutionnel et de notre souveraineté constituante, du sentiment de notre légitimité à transformer politiquement nos institutions. Nous avons gardé le souvenir collectif de ce qu’est une société pleinement politique, malgré la forte dépolitisation orchestrée depuis quarante ans.

Rien de tel aux États-Unis. La sacralisation de la Constitution, et la cour suprême, son interprète et gardien non-élu, ne la rendent que laborieusement transformable et surtout non-remplaçable[12]. Cette configuration n’est pas favorable à la résolution politique (donc institutionnelle) des problèmes politiques fondamentaux. Il s’agit en l’occurrence aux « États-Unis » d’affronter politiquement les spectaculaires inégalités sociales et raciales, le système électoral oligarchique et verrouillé, le dramatique problème des armes à feu, la place d’un système militaro-industriel, sorte d’État dans l’État, d’une puissance sans égale sur la planète, l’énorme influence des lobbies, l’interventionnisme extérieur, la désindustrialisation, les services publics sous-développés, le coût exorbitant des études et des soins, etc. Ces sujets politiques d’envergure sont tous liés plus ou moins directement à une configuration constitutionnelle qui n’est pas favorable à une solution démocratique et politique de ces problèmes. Si les Américains veulent sortir de ces impasses structurelles, il faudra qu’ils se sentent légitimes à s’emparer de leurs institutions et qu’ils se rappellent qu’ils détiennent une souveraineté constituante.

On peut donc considérer que cet État fédéral, non seulement est peu démocratique, tout décentralisé soit-il, mais même peu politique. La forte et traditionnelle importance de l’abstention chez les citoyens américains n’est pas le motif de cette hypothèse, même si elle révèle bien évidemment que les électeurs américains se sentent peu de prises sur les décisions principales, comme c’est le cas hélas désormais aussi chez nous, depuis la dissolution de la souveraineté nationale. C’est le critère qui nous sert de test pour déterminer le degré de politisation d’une société donnée. Il s’agit de déterminer à quel point cette société se considère comme véritablement auto-instituée. Une société qui se considère comme ayant épuisé une fois pour toutes la souveraineté constituante populaire ne nous semble pas être complètement politique, auto-instituée. Ne pas se sentir légitime à modifier la forme, le contenu et l’agencement des institutions principales n’est pas le gage d’une société qui se pense comme réellement autonome, au sens étymologique du terme. Le système juridico-politique des États-Unis semble d’une remarquable souplesse lorsqu’il s’agit de l’adapter afin de maintenir deux choses certes essentielles, leur puissance générale et le plein-emploi (quelles que soient la qualité des emplois et le niveau des salaires, parfois en dessous du seuil de pauvreté). Il paraît par contre d’une toute aussi remarquable rigidité lorsqu’il s’agit de le considérer comme transformable démocratiquement.

On le voit, il n’existe aucune base logique permettant d’affirmer que les phénomènes de décentralisation des pouvoirs et le caractère fédéral d’un pays donné le mènerait mécaniquement à la démocratie au sens fort. Tout au contraire, dans un cadre fédéral, le caractère politique de la société s’en voit structurellement contrarié. En effet, aucune société ne peut développer une dynamique démocratique forte si elle n’est pas d’abord pleinement politisée, si elle ne dispose pas d’un assemblage institutionnel complet indépendant et cohérent, ouvert, transformable et accessible aux citoyens. Dans une société réellement démocratique, le maintien de la cohésion de cette société ne saurait aucunement préempter les questions politiques de fond, c’est-à-dire les divisions sociales principales. Dans une telle société, il n’y a qu’en situation de guerre, donc de survie de la communauté politique, institutionnelle et territoriale, que les divisions internes deviennent secondaires. Au contraire, dans les régions autonomes, les États fédérés et les régions revendiquant leur indépendance, même en temps de paix, les divisions sociales sont secondaires, priées de ne pas mettre en péril l’unité nécessaire à la conquête ou au maintien de l’autonomie. Les revendications sociales, quand elles ne sont pas purement et simplement refoulées, sont alors artificiellement tournées vers l’extérieur, surtout quand la région est plus riche que son environnement[13].

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La « proximité locale » et son tropisme identitaire ne profitent bien souvent qu’à une oligarchie correspondante. La décentralisation institutionnelle ventile les problèmes principaux et leurs enjeux dans une dynamique centrifuge, ce qui les rend bien moins facilement représentables pour une politisation des enjeux principaux. Elle découple en effet territoires et prise en compte au niveau le plus général des arbitrages décisifs. Le caractère fédéral des institutions refoule la souveraineté constituante et les sujets les plus brûlants, en particulier l’institutionnalisation des conflits sociaux essentiels. Toutes ces utopies vagues (décentralisation, fédéralisme, proximité), assenées comme des évidences, loin d’être des facteurs automatiques de politisation et de démocratisation des enjeux principaux, semblent tout au contraire en être des obstacles sérieux. Une structure fédérale se révèle parfois, dans l’histoire, une nécessité complexe face à un danger supérieur. Mais cette nécessité doit être fondée, et se révèle un obstacle à la pleine démocratisation des sociétés, et non pas un sésame miraculeux…

NOTES


[1] Notamment, l’expulsion des Jésuites en 1762, et la création du monopole universitaire public et uniformisé par Napoléon en 1806 développant un monde à part, lié à l’État.

[2] Montrant par ce biais, encore mieux qu’aux États-Unis, que l’unité nationale n’est en rien synonyme d’homogénéité culturelle ou anthropologique, et qu’elle ne le présuppose même pas. Elle n’en est pas moins une unité, y compris « identitaire », puisque construisant au fur et à mesure des valeurs, des représentations, des manières de faire, des mœurs communes, venant englober des communautés plus locales et restreintes.

[3] Cette querelle s’appuie d’ailleurs sur une erreur d’appréciation historique. Le gouvernement de la Terreur, sous pression et forcément pragmatique, se méfiait en réalité des départements et s’appuyait plutôt sur les comités et ses envoyés directs, ce qui n’a à peu près aucun rapport avec la centralisation administrative.

[4] Un autocrate peut en effet profiter de l’appareil d’État, comme Napoléon Bonaparte, Napoléon III et Juan Perón en Argentine, par exemple. Mais il n’en représente ni l’origine, ni la logique, ni le destin.

[5] Nous parlons ici des rares régimes qu’il n’est pas absurde de qualifier de totalitaires : l’Allemagne nazie, l’URSS de Staline, la Chine de la Révolution culturelle et le Cambodge des Khmers rouges.

[6] Qui possèdent un parlement local.

[7] Le mot est ici un peu fort et n’a de sens que comparativement à son environnement politique et historique, par effet de contraste. La Suisse est un assemblage fédéral de petites républiques, dont la taille et l’aspect rural auront permis il est vrai une plus grande participation de toute la population à la vie politique. Cela ne modifie pourtant qu’à la marge la nature fondamentalement traditionnelle et oligarchique de ces communautés locales.

[8] Rappelons que l’histoire de l’usage du concept juridique de séparation des pouvoirs est d’une grande confusion si l’on ose dire. Le meilleur ouvrage retraçant et cette histoire et cette confusion, est celui du grand constitutionnaliste Michel Troper : La séparation des pouvoirs et l’histoire constitutionnelle française, Paris, LGDJ, 1973.

[9] Seule la Suisse est un vieil État fédéral, puisque les Provinces-Unies n’ont pas survécu en tant que fédération.

[10] C’est la première guerre moderne, impliquant directement la population civile en tant que telle, et appliquant les possibilités de l’industrialisation à la guerre. Guerre dont les conséquences sociologiques, économiques et tout autant idéologiques avec le problème récurrent du racisme, sont manifestes encore aujourd’hui.

[11] En quoi un État qui n’est pas souverain (ce qui est forcément le cas d’un État inclus dans une fédération) est-il véritablement un État ? Il n’y a aucune différence de nature entre une province, des institutions représentatives locales, et un État fédéré, parfois même pas le degré de décentralisation. Les institutions communes primordiales, celles qui ont le plus d’impact sur la forme que prend la société, échappent à l’État fédéré tout autant qu’aux autres territoires décentralisés, par définition. Lorsqu’on parle d’État fédéré, on parle davantage d’une indépendance d’administration, au sens large, qu’une indépendance politique. Si on accepte une définition aussi large pour le concept d’État, sa valeur descriptive, discriminante pour décrire les différences réelles devient pauvre alors même que le terme recouvre déjà des réalités contrastées. Il faudrait alors un autre terme pour décrire la spécificité de « l’État souverain », ce qui est pourtant une redondance par rapport à l’histoire même du terme et du concept correspondant depuis l’époque moderne.

[12] Cette fixité est dans le fond normale pour une constitution. Sa logique implique qu’on ne puisse aisément la modifier. Mais cela n’implique en rien cependant que la souveraineté constituante du peuple américain se soit éteinte en 1787.

[13] La Catalogne et la Lombardie sont hostiles à toute solidarité nationale avec les régions plus pauvres, sous couvert de lutte pour l’indépendance. Pourtant, ni la Catalogne ni la Lombardie n’appellent à sortir des contraintes majeures et radicalement incontrôlables de « l’Union » européenne. Elles avouent ainsi que leur projet est non pas politique, encore moins démocratique, mais tristement identitaire et intéressé. Égoïsme budgétaire, autonomie culturelle sans souveraineté démocratique ne forment qu’une impasse de plus.

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