Les enjeux du nationisme
On l’a dit, la raison initiale du choix de ce néologisme est bien d’éviter les confusions à visée délégitimante qui assimilent systématiquement toute défense du fait national (et pour commencer la souveraineté nationale) au nationalisme ethno-culturel, à la xénophobie et au racisme. Mais les raisons dépassent néanmoins cet objet polémique.
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Il faut reconnaître que la réalité de l’État-nation reste ambigüe, manquant d’une idéologie claire développant le lien logique et pratique entre la définition de ce qui fait communauté dans les sociétés désormais définitivement sorties de la tradition (comme principale idéologie légitimante), et le cadre territorial et juridique de l’État moderne.
Ce dernier cadre est certes déjà ancien pour les États issus des vieilles monarchies territoriales, matrices historiques des États modernes, comme l’Angleterre et la France, leur conférant de ce fait sentiment d’évidence et stabilité. Mais il est par contre extrêmement récent pour la plupart des autres États. Pour les États issus des bouleversements économiques et politiques du XIXe siècle, a fortiori pour ceux issus de la décolonisation du XXe siècle, le cadre territorial, idéologique, économique et politique de l’État-nation est tout sauf stabilisé et évident. De plus, il est sur le continent européen fortement fragilisé par la mondialisation néolibérale et les institutions européennes, donc y compris pour les vieux États-nations.
Notre thèse, en un mot, est pourtant d’affirmer que nulle part, ni en Europe ni ailleurs, nous n’aurons de processus démocratiques, au sens social et politique du mot, en dehors du cadre de l’État-nation, quelles que soient les difficultés de tout ordre que recèle la réalité étatique d’hier et d’aujourd’hui. C’est donc cette double raison (éviter la confusion entre nation et xénophobie, et éclaircir ce qui fait société dans un État démocratique) qui nous pousse à développer le concept cardinal de la démocratie contemporaine, la nation politique. Le nationisme, sur ce site de réflexion politique, est donc aussi le nom de la pensée de la démocratie qui veut prendre au sérieux les défis que pose la forme étatique pour les sociétés contemporaines, avec en son centre le concept et la réalité de souveraineté nationale. En se souvenant que la souveraineté nationale signifie deux choses : la souveraineté de l’État lui-même (par métonymie, mais cette manière de parler a fini par étouffer son sens principal), et surtout l’attribution de la souveraineté de l’État à la communauté des citoyens, la nation.
Mais se débarrasser du nationalisme, entendu comme l’idéologie ethno-culturelle de la nation, pour mener à bien cette réflexion, ce n’est pas pour autant nier la nécessité d’une cohésion et d’une unité idéologique et symbolique de la société dans un cadre étatique, au contraire. À partir du moment où l’on ne confond pas unité avec homogénéité. C’est justement lorsque cette unité est assurée, que tous les désaccords principaux, sociaux et idéologiques, inévitables et même constitutifs des processus démocratiques, peuvent être réglés institutionnellement. Lorsque votre ennemi politique ou/et social s’accorde avec vous pour organiser le rapport de force qui vous oppose dans le même cadre institutionnel qui vous englobe tous les deux, vous faites partie à coup sûr de la même nation politique. C’est d’ailleurs sans doute la première des nombreuses conditions de possibilité du politique. C’est tous ces défis que nous entendons relever à l’aide du concept de nationisme.
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